Affaire Réagir : 3 proches du ministre Ndong Obiang inculpés pour « menaces et voies de fait »

La bataille pour le contrôle du siège du parti Réagir occupé illégalement par l’aile de François Ndong Obiang est désormais sur les tablettes judiciaires. À la suite d’une plainte déposée par Félix Bongo concernant l’occupation illégale du siège de sa société par un groupe dirigé par François Ndong Obiang, la justice gabonaise a ouvert une enquête. Celle-ci a, selon les informations d’Info241, abouti à l’inculpation de MM. Bruno Ondo Mintsa, Fabrice Ekomo Ossazeh et Denard Ovono alias Wayne, par le procureur de la République.

Le mercredi 25 juin, en effet, le tribunal de grande instance de Libreville a infligé une sanction pénale à ces trois amis politiques du ministre en charge de la Réforme des institutions, pour "menaces et voies de fait". Renvoyés devant le tribunal correctionnel le mardi 1er juillet prochain, ils ont toutefois été laissés en liberté provisoire.
Divergences internes et siège disputé
Retour sur une curieuse affaire au confluent de la politique et de la délinquance ordinaire. Janvier/février 2024, le parti RÉAGIR, déjà secoué par des divergences internes au niveau de sa gouvernance, doit également faire face à de sérieuses tensions de trésorerie. Les factures s’accumulent, et la propriétaire des locaux qui servent de siège au parti, dans le quartier des Bas de Gué-Gué, décide de résilier le bail.
Bruno Ondo Mintsa, l’une des 3 personnalités mises en cause
C’est alors qu’intervient Félix Bongo, chef d’entreprise, mais également vice-président de RÉAGIR. Il solde les arriérés et signe le contrat de bail à son nom. Désormais locataire des lieux, il concède gracieusement une partie des bureaux à RÉAGIR. Mais les tensions politiques au sein du parti perdurent. MM. François Ndong Obiang, "président statutaire", et Persis Lionel Essono Ondo, l’intérimaire qu’il a nommé, sont exclus. Tous deux contestent la décision et saisissent la justice, qui les renvoie à l’arbitrage des organes internes du parti. Le 27 octobre 2024, accompagnés de partisans, ils tentent de forcer l’entrée du siège. Une scène filmée et largement diffusée sur les réseaux sociaux. Leur tentative échoue.
Intrusion réussie et réaction judiciaire
Quelques semaines plus tard, ils parviennent néanmoins à entrer violemment dans les locaux, changent les serrures et s’y installent. M. Bongo, informé, saisit alors la police judiciaire. Après plusieurs mois d’enquête, la justice lui donne raison. N’ayant pas pu entrer en contact avec Bruno Ondo Mintsa – récemment nommé conseiller du ministre Ndong Obiang – pour recueillir sa version, notre rédaction a brièvement échangé avec M. Ovono, qui a déclaré ne pas vouloir s’exprimer sans l’accord de son avocat.
Le propriétaire des lieux, Felix Bongo, qui réclame justice dans cette affaire sordide
Quant au plaignant, Félix Bongo, il se veut serein : « Pour moi, c’est une simple question de principe. Je veux récupérer des locaux pour lesquels je paie un loyer, et je n’entends pas me laisser spolier par des occupants illégaux qui, en plus, semblent narguer tout le monde ». Et de poursuivre : « Je veux juste que mes droits soient respectés. Il n’y a pas de considérations personnelles dans cette affaire. La preuve : devant M. le procureur, mon ami Bruno Ondo Mintsa a déclaré que je suis son frère. Il est même allé jusqu’à dire qu’en 2022, j’avais payé son billet pour qu’il rentre au Gabon. J’avoue que ça m’a un peu gêné qu’il le dise en public. Dans tous les cas, la justice doit faire son travail ».
Une République à deux vitesses ?
Fait troublant : le 21 juin 2025, alors que l’audience sur la plainte de M. Bongo se préparait, François Ndong Obiang a organisé un meeting politique sur le site illégalement occupé, y installant un comité communal. Il y a rendu hommage à son ami Bruno Ondo Mintsa, dont les « propos spirituels » ont été repris dans son discours. « C’est avec les hommes tombés de l’autre côté que nous avancerons pour libérer le Gabon », a-t-il affirmé.
L’affaire soulève plusieurs interrogations, notamment sur la coexistence du statut de ministre en exercice et de président de parti, en pleine procédure judiciaire. Plus grave encore : François Ndong Obiang est maintenu au gouvernement alors qu’il est cité dans une affaire pénale, une singularité dans cette Cinquième République naissante. Enfin, en écho à cette affaire, de nombreux citoyens soulignent l’ironie d’un État qui procède à des déguerpissements de familles vivant sur des terrains publics, tout en laissant certains occuper illégalement des locaux privés… sans conséquence apparente. Pour l’instant.
@info241.com
