Locaux précaires : Le Gabon ne veut plus d’entreprises internationales fantômes sur son sol

Le Conseil des ministres de ce vendredi 20 juin a tranché : les grandes entreprises internationales opérant au Gabon n’auront plus le luxe de prospérer dans l’indécence foncière. Fini les adresses de façade, les bureaux planqués dans des immeubles miteux ou les sièges fictifs domiciliés chez un notaire. L’État impose une règle simple et implacable : bâtissez un vrai siège social en dix-huit mois ou dégagez.

Une mesure qui met fin à ce que le chef de l’État a qualifié de « situation intolérable » : celle d’entreprises enregistrant des milliards de chiffre d’affaires au Gabon tout en continuant d’opérer depuis des « locaux précaires, exigus, souvent loués, sans véritable ancrage territorial ». Le communiqué final du Conseil des ministres est sans détour : « Sur cette base, toutes les entreprises concernées devront édifier, dans une zone foncière qui leur sera attribuée par l’État, un siège social propre dans un délai de dix-huit mois à compter de la date d’attribution ».
Une réponse à un double enjeu : souveraineté et développement immobilier
Par cette décision, l’État entend affirmer son autorité et rétablir l’équilibre entre avantages commerciaux et responsabilités territoriales. Il ne s’agit plus seulement d’exercer une activité au Gabon : il faut désormais y être réellement implanté. Le ministre de l’Économie a précisé que cette obligation s’appliquera à toute société inscrite au Registre du commerce, à l’exception des petites et moyennes entreprises (PME) dont le chiffre d’affaires est inférieur à deux (2) milliards de francs CFA.
La mesure en détail :
Élément | Détail |
---|---|
Décision | Obligation, pour toute grande entreprise, d’ériger ou d’acquérir un siège social au Gabon. |
Acteurs concernés | Toutes les entreprises immatriculées au Registre du commerce, hors PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 2 milliards FCFA . |
Motif | Mettre fin aux pratiques d’implantations précaires, souvent louées, sans ancrage territorial. |
Objectifs gouvernementaux | - Renforcer la souveraineté économique - Stimuler le secteur immobilier local - Accroître la transparence et la traçabilité fiscale |
Délai d’exécution | 18 mois à compter de la date d’attribution du terrain par l’État. |
Attribution du foncier | Par l’État gabonais, à travers les ministères compétents (Urbanisme, Travaux publics). |
Encadrement technique | Élaboration d’un référentiel contraignant fixant les normes minimales pour les sièges sociaux (taille, conformité, sécurité, accessibilité…). |
Sanctions en cas de non-respect | - Pénalités financières - Retrait d’agrément - Radiation du registre fiscal |
Ministères en charge | Ministère de l’Économie, Ministère des Travaux publics, Ministère de l’Urbanisme. |
Citation du communiqué | « Toutes les entreprises concernées devront édifier, dans une zone foncière qui leur sera attribuée par l’État, un siège social propre dans un délai de dix-huit mois. » |
Outre son aspect réglementaire, la mesure se veut également un levier de croissance pour le secteur du bâtiment et de l’immobilier, souvent en souffrance. En imposant l’ancrage physique, l’État gabonais espère stimuler la demande en foncier, encourager l’emploi local et favoriser une redistribution des revenus générés par l’activité privée.
Des sanctions lourdes pour les contrevenants
Le gouvernement ne se contente pas d’inciter. Il prévoit une batterie de sanctions à l’encontre des entreprises qui ne se conformeraient pas à cette obligation dans les délais impartis. Selon le communiqué, le non-respect de la mesure entraînera « l’application de sanctions, incluant des pénalités financières, le retrait d’agrément, voire la radiation de leur immatriculation fiscale ».
Ce durcissement vise à en finir avec une situation de rente dans laquelle des groupes, notamment dans les secteurs extractifs, bancaires, de la téléphonie ou de la grande distribution, bénéficient des marchés gabonais sans investir dans des infrastructures pérennes ni contribuer au tissu urbain national.
Un nouveau contrat entre l’État et le secteur privé
En toile de fond, cette obligation de siège social s’inscrit dans la doctrine de redressement de la Ve République. Le président Oligui Nguema, dans son discours d’orientation, a plusieurs fois insisté sur la nécessité de passer d’une économie d’importation à une économie de transformation, avec un secteur privé « responsable et solidaire ».
En contraignant les entreprises à sortir de la précarité locative, le gouvernement veut asseoir sa stratégie de développement sur des acteurs engagés, visibles, et comptables de leurs activités sur le sol gabonais. C’est aussi une manière pour l’État de renforcer sa capacité de contrôle fiscal et administratif, en s’appuyant sur des entités stables et traçables.
Prochaine étape : la mise en œuvre
Selon les termes du communiqué final, les ministères des Travaux publics et de l’Urbanisme sont chargés d’élaborer « un référentiel technique contraignant fixant les normes minimales pour l’implantation des sièges sociaux d’entreprises ». Ce cadre réglementaire devra notamment préciser les standards de superficie, d’accessibilité, de conformité architecturale et d’impact environnemental.
Une fois le terrain attribué par l’État, les entreprises auront dix-huit mois pour livrer leur bâtiment. Passé ce délai, elles seront considérées en infraction. Le défi est donc autant logistique que juridique : l’administration devra être en mesure d’allouer rapidement les parcelles et d’en suivre la mise en valeur.
Cette réforme structurelle, si elle est appliquée avec rigueur, pourrait marquer une rupture dans la relation entre l’État gabonais et les grandes entreprises. Elle traduit une volonté politique claire : faire du territoire national un espace de responsabilité, et non plus un simple marché d’exploitation.
@info241.com
