États-Unis : Trump veut fouiller les réseaux sociaux des étudiants étrangers avant tout visa

Cette décision, actée par le secrétaire d’État Marco Rubio dans une note datée du 21 mai, pourrait avoir des conséquences considérables sur la mobilité étudiante africaine. Chaque année, ce sont des milliers de jeunes venus du Nigeria, du Ghana, du Kenya, du Maroc ou encore du Gabon qui rejoignent les universités américaines, réputées pour la qualité de leur enseignement. Pour beaucoup, ces études représentent un tremplin décisif dans leur parcours professionnel. Désormais, l’accès à ce rêve se complique.

Des soupçons diffus, une surveillance ciblée

L’administration justifie ce durcissement par la volonté de «   prévenir le terrorisme et l’antisémitisme   », sans toutefois préciser les critères qui motiveraient un contrôle ou un rejet. En toile de fond, les protestations pro-palestiniennes menées sur plusieurs campus américains. Des consignes informelles auraient déjà été transmises aux ambassades pour scruter les publications numériques des étudiants, notamment ceux qui exprimeraient un soutien à la cause palestinienne.

Mais en Afrique, ce flou fait craindre une dérive discriminatoire. «   Nous avons des étudiants brillants, engagés, qui s’expriment sur les réseaux sociaux. Vont-ils être pénalisés pour un simple drapeau ou un message solidaire posté sur X ou Instagram  ?  », s’interroge un responsable d’agence éducative basée à Dakar. «   La frontière entre vigilance sécuritaire et chasse idéologique est extrêmement mince.   »

Une décision à double tranchant pour les universités américaines

La suspension des visas risque aussi de frapper de plein fouet les universités américaines elles-mêmes. Car les étudiants internationaux — dont de nombreux Africains — représentent un pilier économique majeur de ces institutions. Leurs frais de scolarité non subventionnés contribuent largement au financement des programmes universitaires. À Harvard, Princeton ou dans les universités d’État, ces profils venus du continent sont à la fois une richesse intellectuelle et un levier économique.

«  Les étudiants africains ne sont pas une menace pour les États-Unis, ils en sont un atout  », martèle Fanta Aw, directrice de la NAFSA, association américaine de défense des étudiants étrangers. Elle dénonce une mesure disproportionnée et coûteuse, tant sur le plan humain que financier. «   On ne peut pas bâtir l’avenir avec des murs numériques.  »

L’Afrique, otage d’un agenda sécuritaire extérieur

Pour les familles africaines qui investissent souvent des fortunes dans les études de leurs enfants à l’étranger, cette annonce sonne comme une trahison. Entre lenteurs administratives, refus de visas injustifiés et désormais espionnage numérique, les obstacles s’accumulent. L’ironie est cruelle  : à l’heure où les États-Unis disent vouloir renforcer leurs partenariats avec l’Afrique, leur politique migratoire semble envoyer le signal inverse.

Alors que l’Europe durcit également ses conditions d’accueil, l’Afrique doit-elle s’attendre à voir ses jeunes talents systématiquement freinés dans leurs ambitions internationales  ? La question mérite d’être posée. Et les gouvernements africains, eux aussi, doivent s’en saisir. Parce que derrière chaque visa refusé, c’est un rêve brisé, une trajectoire bloquée — et parfois, un avenir en suspens.